En 2017, Tesla était la risée des grands producteurs comme GM, car la compagnie arrivait à peine à produire 25 000 unités par an. Nous voici en 2021, alors que la compagnie est devenue une fortune 500 en décembre dernier. D’un point de vue d’ingénierie, ces véhicules sont une merveille : le Roadster modèle S peut passer de 0 à 100 km/h en moins de 2 secondes.

Il y a 10 ans, une telle performance de ces batteries à ions ne serait qu’envisageable. L’électrification et la digitalisation des biens communs a subi bien des perturbations durant les dernières années. Dans 10 ans, certains spéculent que les batteries des voitures smart pourront être intégrées au réseau de distribution électrique, stockant et revendant de l’électricité en temps réel. Ainsi, des millions de petites batteries seraient une alternative à une batterie colossale qui ne verrait jamais le jour, solutionnant un des graves défauts de notre réseau électrique moderne.

Définitivement, les prouesses scientifiques de TESLA, présentes comme futures, nous embarquent dans un culte de la compagnie comme de son co-fondateur. Qui ne trouverait pas fascinant des percées « vertes », smart et entièrement produites aux États-Unis?

Clairement, le succès de TESLA est dû à son modèle d’affaire qui s’intègre parfaitement dans la nouvelle ère industrielle, à savoir une ère numérique. Cependant, le défaut de TESLA est dû à son modèle d’affaire qui s’inspire des tendances de son ère digitale, à savoir basée sur l’obsolescence programmée et une chaîne de revalorisation interdite d’accès.

Tout d’abord, penchons-nous sur la chaîne d’approvisionnement de ces véhicules. Selon plusieurs chercheurs (Radio-Canada, 2018), « si tous les véhicules de la planète étaient électriques, les réserves de lithium seraient épuisées en quelques décennies ». Cela est compréhensible considérant que chaque véhicule en contient 3 kilos. Les voitures électriques ont beau rouler sur aucune goutte d’essence, cela ne signifie pas qu’elles sont exemptes de pollution. Comme dirait Guillaume Pitron, auteur de La guerre des métaux rares, « il faut beaucoup de sale pour faire du propre ». Ainsi, il faut se pencher sur toutes les étapes du cycle de vie de la voiture.

Sur le plan de la production, il faut des solutions acides pour raffiner les métaux et des fours à haute température pour la fonte, ce qui ruinerait nos cours d’eau et l’air ambiant. D’abord, faudrait-il extraire les métaux précieux, soit en ouvrant des carrières au Québec ou en important de la Chine, qui possède 70% du marché.

Sur le plan de l’utilisation, l’amortissement de l’empreinte écologique d’une voiture électrique prendrait plus de temps qu’une voiture diesel. En effet, selon le CIRAIG (2016), « au moment de son achat, le véhicule électrique a cumulé un impact environnemental jusqu'à deux fois plus élevé que le véhicule à essence ». De cette manière, contre un véhicule diesel, son faible coût énergétique serait contrecarré par son coût initial de fabrication. Encore faudrait-il habiter dans une région qui n’utilise pas d’énergies fossiles...

Finalement, sur le plan de la récupération, Réjean Samson, professeur de génie chimique à la Polytechnique, stipule qu’il n’existe actuellement aucun procédé de recyclage pour le lithium, car cela est trop complexe étant donné que la chimie des batteries change constamment. Tous ses effets négatifs sont encore sous débat, sachant qu’il y a beaucoup de lobbying dans cette industrie et que les données sont parfois corroborées. 

En deuxième lieu, alors que Elon Musk conçoit un monde avec des transports électrifiés, d’autres craignent d’un monde dépossédé de la liberté de réparer soi-même ses propres biens.

L’un de ces paranos est Rich « Rebuilds » Benoit, un mécanicien amateur qui a lancé une chaîne Youtube portant sur la restauration de voitures. En lisant les petites annonces, il tombe sur une épave : « TESLA modèle S submergée dans de l’eau. 15 000$ ». Flairant la bonne affaire, il contacte le service à la clientèle, qui refuse de remplacer une batterie grillée, lui suggérant plutôt d’acheter leur dernier modèle. Cela est une politique regrettable, mais respectable, car elle préserve la sécurité des usagers.

Toutefois, la compagnie refuse catégoriquement de mettre en marché des pièces détachées, ne serait-ce que pour un boulon - littéralement! À défaut d’avoir un marché de pièces détachées, il se procure un modèle S ayant subi une collision frontale pour la modique somme de 20 000$. En d’autres mots, de la poubelle à prix d’or. Au bout de 8 mois de recherche et de travail de moine, ce dernier est parvenu à restaurer sa TESLA en disséquant les pièces et câbles de l’autre. Depuis, il roule sur sa smart car « hackée » et a même fait une apparition sur le balado de Joe Rogan. Il a ouvert son TESLA Repair Shop à ses propres risques et périls.

Outre le risque financier dans lequel il se lance, il serait en train de violer la propriété intellectuelle de TESLA. Il est conscient de ce qui est arrivé à la dernière personne qui a tenté de valoriser un produit électronique d’une des grandes boîtes de tech. En effet, en 2012, un activiste du nom de Eric Lundgren a contrefait 28 000 disques de réparation système afin de revaloriser de vieux ordinateurs dits obsolètes. Résultat? Microsoft l’a poursuivi en justice et il a passé un an en prison.

Tout cela me mène à réfléchir: est-ce normal que des personnes munies de peu de moyens aient à se convertir en véritables pirates pour pouvoir utiliser leurs biens encore longtemps? Comme c'est le cas pour Apple, les politiques de TESLA n’approuvent pas des réparations faites par un tierce partie

Même si la marque TESLA a la réputation d’être à des années lumières de géants de voitures diesel, ceci n’est pas synonyme de progrès. Selon le modèle (bientôt dépassé) de service d’après-vente de GM, les écoles de mécanique et les garages recevaient des manuels rédigés par la compagnie suggérant de retourner une pièce automobile bien avant sa véritable fin de vie.

Donc, est-ce qu’acheter TESLA consiste à troquer un mal pour un autre? Pas nécessairement. Il ne suffit que de mener une démarche sceptique et informée. Là-dessus, je vous invite à vérifier si une voiture électrique correspond à votre profil de consommateur.


Par Diego-José Rodriguez Vasquez

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